Appuyez sur Entrée pour voir vos résultats ou Echap pour annuler.

Le JO ne publie plus les avis d’homologation des normes

Vers une privatisation des normes ?
L’AFNOR sort en réalité gagnante de la réforme de la normalisation de 2009

Blandine, dans un message sur la liste Juriconnexion, explique s’être aperçue que « les avis d’homologation et d’annulation de normes n’étaient plus publiés au JO depuis septembre 2009 ». Elle a interrogé la Direction des Journaux officiels dont voici la réponse :

« Vous avez raison. Plusieurs internautes nous ont interrogés sur ce point.
De ce fait, nous avons contacté notre service de la rédaction qui nous informe n’avoir eu aucune note du secrétariat général du gouvernement sur l’arrêt de parution des homologations ou annulations de normes dans les avis divers du JO.
Le secrétariat général du gouvernement étant le donneur d’ordre pour la publication des textes au journal officiel, nous vous invitons à contacter directement l’AFNOR. »

Elle s’est donc tournée vers l’AFNOR dont voici la réponse :
« Pour répondre à votre demande, nous pouvons vous proposer un abonnement à notre revue Enjeux.
Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien :
http://www.boutique.afnor.org/REVDetail.aspx?&nivCtx=REVZREVZ1A10A401&aff=1&ts=7473001&ID=1 »

L’abonnement à la revue Enjeux coûte 140 euros. L’abonnement au JO par mail est gratuit. Ces avis d’homologation et d’annulation des normes au JO ne sont pas publiés ailleurs.

Sans commentaire de ma part autre que celui-ci : le décret de 1984 sur la normalisation a été abrogé par le nouveau décret de 2009. Or, si l’article 11 du décret 1984 prévoyait que « la liste des normes homologuées au cours de chaque mois est publiée le mois suivant au [JORF] », le décret de 2009, lui, n’en dit rien. Il mentionne juste : « L’[AFNOR] assure : [...] 3° L’homologation et la publication des normes. ». Tout cela est donc parfaitement "normal".

Cet arrêt de la publication au JORF des avis d’homologation tend à confirmer l’hypothèse d’une privatisation du droit normatif faite par Anne Penneau, professeur à Paris 13 et membre de son Institut de recherche en droit des affaires (IRDA) et spécialiste des normes et textes techniques en France (elle a fait sa thèse sur le sujet).

On peut lire, même s’il est assez technique, son article au JPC E pour voir ce qui pourrait bien attendre les utilisateurs et acheteurs de normes : La réforme de la normalisation : quel "système" pour quel "intérêt public" ? : A propos du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009, Semaine juridique édition Entreprise n° 44-45 du 28 octobre 2009 2038 p. 45

Je cite :

« [Le décret] institutionnalise un hiatus entre des normes AFNOR à deux vitesses : celles présentant les garanties d’une procédure d’élaboration réglementée et les autres. [...] Ouverture d’un champ libre pour l’AFNOR pour une activité de normalisation dont les objets se situent hors du cadre de la normalisation d’intérêt public et déréglementée quant à ses modalités. La ligne de partage dépendra des décisions du délégué interministériel aux normes, étant entendu que la réforme ne précise plus de quel organe de l’AFNOR émane la décision d’homologation après le contrôle exercé par le représentant de l’Etat. »

A propos de la certification et plus particulièrement des garanties de fiabilité de la marque NF, le professeur Penneau remarque :

« Le contrôle des organismes de certifications aptes à user de marques collectives de qualité est désormais complètement externalisé auprès du COFRAC http://www.cofrac.fr, association loi 1901. [...] Mais la loi de modernisation ne se préoccupe absolument pas du contrôle des référentiels en vertu desquels les organismes accordent le droit de certifier la qualité des produits et services.
Dés lors, les certifications de qualité les plus diverses quant à leurs objets et au degré d’exigence de la qualité certifiée sont placées sur un même plan. »

Le décret de 2009 semble donc avoir été l’objet d’un lobbying très discret et très réussi de l’Afnor, qui a pu non seulement largement neutraliser la menace de se voir dépouillée d’une partie de son activité, mais aussi faire en sorte qu’on lui permette de développer une activité normative d’un nouveau genre, qui plus est déréglementée. On croyait avoir gagné quelque chose à cette réforme. Pas tant que ça, et on perdu des choses d’un autre côté [1].

Je pense aussi au fonds JURICA qui ne paraît pas être destiné à être un jour prochain consultable sur Legifrance. A un BO qui ne semble plus accessible depuis quelque temps sur un site web ministériel.

Rêvons-nous ou assisterions-nous à une re-privatisation détournée, un re-paiement indirect de l’accès au droit brut qui s’installerait sous prétexte de réformes de cette diffusion liées à la transposition de la directive "Données publiques" ?

Est ce l’idéal pour diffuser le droit dans un pays sous-équipé en juristes et ignorant de son droit national ? Est ce opportun si on veut défendre et illustrer à l’international le droit français et continental ?

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique