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Réutiliser les données publiques du ministère de la Justice, c’est facile
... avec sa licence "Informations Publiques"

Depuis la transposition de la directive 2003/98 du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations publiques (on dit aussi, en droit français, disponibilité des données publiques) [1], par une modification de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 [2], les administrations se sont progressivement mises d’abord à préparer le catalogue des données publiques qu’ils produisent. Ce sont les répertoires des informations publiques (RIP) — exemple : le RIP de la Justice.

Puis à en fixer les modalités juridiques de mise à disposition/réutilisation. Ce sont les licences types de l’APIE et celles spécifiques à d’autres administrations. Le ministère de la Justice en a rédigé une assez spéciale, puisqu’il a choisi une licence "libre". Une licence inspirée des Creative Commons (CC), mais une CC respectueuse à 100% du droit français, donc en réalité assez éloignée des CC côté propriété intellectuelle, justement pour respecter le droit d’auteur français. Le problème principal des CC étant qu’elle impliquent une renonciation de l’auteur à son droit moral, ce qui est impossible en droit français [3]. Or ni l’Etat, ni lui pour le compte des agents publics, n’est censé ne pas respecter entièrement le droit. A fortiori le ministère de la Justice ...

Peut mieux faire, toutefois : c’est ce que Guy Lambot, avocat et membre d’un groupe de travail du GFII, avance et cherche à démontrer dans un article publié à la Revue Lamy Droit de l’immatériel et analysant très en détail (10 pages !) la "licence IP" du MinJu : « Données moi » ... / Guy Lambot, RLDI n° 62 juillet 2010 pp. 94-103.

L’auteur relève ainsi, entre autres, la possibilité d’être facilement induit en erreur par le nom de cette licence, appelée "licence IP" (pour Informations publiques et non Intellectual Property), et plusieurs autres confusions. Il signale aussi certains manques légers, selon lui, quant à la garantie des droits de propriété intellectuelle des agents publics. En passant, on notera cette phrase de l’auteur, caractérisant l’attitude, encore aujourd’hui, des administrations et services publics vis-à-vis de leurs données publiques : « les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 mettent l’administration dans une logique commerciale [4] dont elle a du mal à assumer spontanément les implications » [5].

Ce qui n’empêche pas Me Lambot de louer la façon « dynamique et iconoclaste » qu’à le MinJu de participer à la dynamique de réutilisation des données publiques.

On ne peut qu’aller dans le même sens, car au final, malgré ses imperfections, cette licence, par la simplicité de sa formulation et sa gratuité, répond à un double besoin : faciliter le travail de récupération des données par les opérateurs économiques (éditeurs, producteurs et diffuseurs de bases de données), sans empêcher les associations, initiatives collectives et sites web gratuits de profiter de cette manne pour plus simplement compléter leurs fonds à eux.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique

Notes

[2Modification opérée par l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.

[3Rassurons ceux de nos lecteurs qui utilisent — comme moi ;-) — les licences Creative Commons : pour l’essentiel, la version française des CC a été bel et bien adaptée au droit français. Pour vous en convaincre, lisez l’article Les licences Creative Commons sont-elles des contrats
valides en droit français ?
de Thomas Amico (Juriscom, 17 mai 2007).

[4C’est nous qui soulignons.

[5D’où peut-être le titre choisi par Me Lambot pour son article ...