RIP RAA
Ils sont remplacés par une publication électronique aux modalités très libres
L’ordonnance n° 2021-1310 du 7 octobre 2021 portant réforme des règles de publicité, d’entrée en vigueur et de conservation des actes pris par les collectivités territoriales (régions, départements et communes) et leurs groupements (voir le rapport au Président de la République) supprime les recueils des actes administratifs (RAA) [1], remplacés par une publication électronique aux modalités très libres. En termes de technique légistique, cela s’est fait par l’abrogation des articles du Code général des collectivités territoriales (CGCT) imposant la publication au RAA.
Le décret d’application n° 2021-1311 du 7 octobre 2021 de l’ordonnance ne dit en effet pas grand’ chose à part que :
- les collectivités (sauf communes de moins de 3500 habitants) doivent :
- a. mettre en ligne
- b. sur leur site web
- c. tous leurs actes
- d. sous forme électronique (je suppose — ou plutôt j’espère — que cela veut dire : pas de scan du papier)
- et ce, pendant au moins deux mois. Mais cela signifie, a contrario, qu’elles ne sont pas tenues de les garder en ligne plus de 2 mois. Donc téléchargez-les et conservez-les soigneusement. Ou à vos aspirateurs de sites web [2] !
Moralité : cela facilite la vie des collectivités locales en leur évitant de tenir plusieurs registres faisant doublon [3], mais la recherche des actes des collectivités territoriales pourrait devenir plus difficile avec cette simplification et la précision des deux mois. On peut espérer que les collectivités continueront à publier les actes selon un format similaire et à des URL identiques, mais rien dans l’ordonnance ni le décret ne garantit cela. C’est du de facto pur. En clair : on verra.
Ce double aspect deux mois et fin des doublons donne l’impression que la révolte des collectivités territoriales et notamment des communes contre l’obligation d’open data des lois NOTRe et Lemaire [4] n’est pas terminée : ce seraient des concessions arrachées aux pouvoirs publics par les collectivités.
Il y a un bon côté à cette réforme pour les partisans de l’open data et de la transparence : les pouvoirs publics profitent de cette réforme pour imposer la publication *en ligne généralisée* des actes des collectivités et de leurs groupements [5]. Les RAA en ligne étaient toutefois devenus très fréquents chez les collectivités d’une certaine taille.
Cette obligation généralisée de publication en ligne devrait, elle, favoriser la recherche des actes des collectivités.
Toutefois, l’obligation de publication au format électronique ne concernant pas les communes de moins de 3500 habitants — un seuil hérité de la loi Lemaire — , celles-ci peuvent se contenter du papier.
Emmanuel Barthe
juriste documentaliste
Notes
[1] Voir sur ce blog : Tout sur les recueils des actes administratifs.
[3] Selon le rapport au Président de la République : « le compte rendu des séances du conseil municipal, le procès-verbal des séances des assemblées délibérantes locales, le registre des délibérations du conseil municipal et des actes du maire, et le recueil des actes administratifs.
[4] Voir sur ce blog : Open data des collectivités locales : où en est-on ?.
[5] Extrait du rapport au Président de la République relatf à l’ordonnance : « Les articles 3, 10, 14 et 18 suppriment l’obligation, pour les communes de 3 500 habitants et plus, les départements, les régions et les groupements de collectivités territoriales, de publier leurs délibérations au recueil des actes administratifs, de sorte que ces collectivités et groupements puissent décider librement des modalités pratiques de la publicité de leurs actes, laquelle est assurée sous forme électronique conformément aux dispositions de la présente ordonnance. »
Pour les communes, les départements et les régions, l’ordonnance formule les choses exactement de la même façon :
« Dans la semaine qui suit la séance au cours de laquelle il a été arrêté, le procès-verbal est publié sous forme électronique de manière permanente et gratuite sur le site internet de la commune / du département / de la région et un exemplaire sur papier est mis à la disposition du public.
L’exemplaire original du procès-verbal, qu’il soit établi sur papier ou sur support numérique, est conservé dans des conditions propres à en assurer la pérennité. »
Dans le décret d’application :
ancien texte : art. R. 2131-1-A du CGCT :
« Les actes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2131-1 que la commune choisit de publier sous forme électronique sont mis à la disposition du public sur son site internet dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l’intégrité et à en effectuer le téléchargement.
La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur. »
nouveau texte : art. R. 2131-1 CGCT :
« Les actes publiés sous forme électronique sont mis à la disposition du public sur le site internet de la commune dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l’intégrité et à en effectuer le téléchargement.
La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur ainsi que la date de mise en ligne de l’acte sur le site internet de la commune. La durée de publicité de l’acte ne peut pas être inférieure à deux mois. »
Commentaires
3 commentaires
RIP RAA
Bonjour,
En fait, il était immensément long et fastidieux pour beaucoup de collectivités territoriales de numériser tous les actes ou délibérations depuis le début de leur création, même si certaines ont fait un réel effort en ce sens.
Dans les faits, beaucoup de collectivités ne donnaient que peu de recul sur leurs délibérations et arrêtés (2 ans souvent) et assez peu d’entre elles appelaient cela RAA (c’est surtout les préfectures qui utilisent systématiquement ce terme). Les multiples réformes territoriales ont rendu encore plus difficile cette consultation d’anciennes délibérations, notamment quand certaines régions ont changé de limites administratives.
C’est un progrès et une régression :
– un progrès : certaines collter ne mettaient pas en ligne les arrêtés du Maire ou des Pdt et simplement les délibérations : la nécessité de publier également les arrêtés est ainsi rappelée à l’Art. L. 122-28. : " Les arrêtés du maire ainsi que les actes de publication et de notification sont inscrits par ordre de date sur un registre tenu dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat."
– régression : la recherche d’actes ou de délibérations passées va devoir se faire par demande écrite aux collter car 2 mois de consultation c’est vraiment trop peu et les délais de réponse à une recherche de vieilles délibérations pourraient être assez longs. Cependant, même dans cette logique, il aurait fallu à minima un peu plus de 3 mois (les collter délibèrent environ tous les 3 mois) ; techniquement, rien ne l’empêchait.
Sur le fond, les administrations de CollTer qui avaient déjà mis en place une procédure de consultation des RAA en ligne n’ont aucune raison d’en changer. Celles qui avaient du mal à se mettre en conformité ont donc ici une procédure allégée. Le feront elles pour autant ?
Pour une mise en ligne en open data, c’est à dire avec une norme de l’acte et des Recueils et un format de données universel et ouvert, on attendra encore. Certaines continueront donc à mettre leurs scans papiers dans des pdf car rien ne les en empêche.
Tout comme vous, j’ai aussi créé un annuaire sur les RAA où justement, j’y analysais le recul et la qualité de consultation que l’on pouvait avoir dans les RAA en ligne des préfectures ou collter :
https://www.i-radar.fr/annuaire.php
Je suis ouvert pour avoir votre point de vue sur cet annuaire RAA et vous donner accès notre vigie sur les RAA.
Bien à vous,
Cédric
Annuaire RAA
Merci pour ce commentaire qui équivaut à une mise à jour de mon billet.
Beau travail que votre annuaire, qui plus est commenté. Je note que votre liste des RAA des communes (de plus de 3500 habitants) n’est pas encore complète mais honnêtement, c’est pinailler vu l’ampleur du travail déjà effectué.
RIP RAA
I-Radar sur Twitter le 26 octobre 2022 estime que « cette disposition [l’obligation de mise en ligne de 2 mois, pas plus] a été prise pour limiter le périmètre juridique d’un défaut d’information autour des actes publiés mais que les administrations vont continuer à tenir leurs archives en ligne à jour ».
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