Navis : la nouvelle version est lancée — Nombreux bugs, peu d’améliorations
Au passif : navigation malaisée, fonctionnalités de recherche en baisse, bugs, curiosité déplacée et communication insuffisante
Les Editions Francis Lefebvre (EFL) ont finalement lancé, dans la nuit du 27 au 28 janvier, la nouvelle version (V3) de leur plateforme juridique en ligne Navis.
De sérieux problèmes techniques et de communication gâchent la fête.
Il y a aussi des satisfactions quand même, car cette nouvelle version était très attendue et apporte un peu de mieux : des revues plus à jour (mais pas en mode recherche) et une recherche globale sur tous les abonnements.
Mais en terme d’ergonomie, c’est une régression, alors même que l’éditeur a disposé de cinq ans pour y réfléchir [1].
Voici les principaux défauts cités par les juristes et avocats — voir infra pour une liste détaillée :
- l’ergonomie de la V3 est inférieure (mise en page, liste de résultats, moteur, logique de navigation)
- il n’est pas du tout évident de savoir qu’il faut cliquer sur "Recherche avancée" pour se retrouver en terrain à peu près connu et pratique : gros défaut beaucoup cité
- et ne pas intégrer le dernier numéro de chaque revue au contenu interrogeable par le moteur est extrêmement dommage, parce que la recherche par mot-clé est le mode dominant de consultation [2].
J’ajouterais que la recherche par expression, si efficace en soi, est devenue peu évidente sur Navis. Quant à la recherche par proximité, elle aussi très efficace, elle a disparue, réduite à un réglage par défaut fixe.
Pour un point complet sur le contenu et les fonctionnalités, voir la fiche Navis du Jurisguide, mise à jour.
Premières impressions sur la nouvelle version de Navis
– Extrêmement lente le mercredi matin 28 janvier, l’accès à la page d’accueil de la nouvelle version http://portailmulti.efl.fr a été "planté" pendant deux heures l’après-midi. Même l’ancienne version était plantée. A 17h, le problème avait disparu mais de grandes lenteurs pouvaient subsister. Une fois à l’intérieur de la nouvelle version, les témoignages sont contradictoires : certains la trouvent moins rapide que l’ancienne, d’autres (dont votre serviteur) la trouvent plus rapide. Il y a eu aussi beaucoup de déconnexions sauvages d’utilisateurs.
Pour beaucoup de clients, les problèmes n’ont semble t’il duré qu’une journée. Mais les gros clients ("grands comptes", selon le vocabulaire des éditeurs) semblent avoir de sérieux problèmes de lenteur (sans compter le reste, et la liste est longue : voir infra). Une collègue d’un grand cabinet très actif en fiscal me signale que « chez elle, jeudi 28 et vendredi 29, le produit a été inutilisable. Et cela se produit à nouveau lundi 2 février matin. » Une autre collègue, cette fois dans un cabinet très actif en droit social, confirme : « Nous avons été bloqués les trois quarts de la journée du mercredi, plus de la moitié de la journée du jeudi et 2 à 3 heures vendredi. Même souci ce matin ! ». Peut-être aurait il été plus prudent, au minimum, de passer à la nouvelle version dans une nuit de samedi à dimanche ... [3]
– Problème chez certains clients (pas tous) : certains chapitres de la Documentation pratique sociale ne s’ouvraient pas sous Internet Explorer (IE) (message d’erreur indiquant que le contrat ne permet pas d’accéder à cette documentation, ce qui est une erreur). La totalité de la série PB (Participation des salariés) de la documentation pratique sociale a été inaccessible sous IE pendant deux semaines. Elle portait les mêmes références internes à la base de données qu’une sous-série de la série TS (Traitement et salaires) dans Navis Fiscal, ce qui causait une erreur logique. Le problème est aujourd’hui résolu.
Il apparaît que le nouveau portail Navis « est instable sous IE et qu’il est préférable de passer sous Firefox ou Mozilla » (dixit l’assistance EFL). Et que les EFL sont en train de corriger « à la volée » les bugs repérés au jour le jour sous IE.
– IE ou pas IE ? Firefox ou pas Firefox ? Il faudrait savoir. Là où ça devient franchement amusant, c’est qu’un autre client, certes confronté à d’autres problèmes [4], se voit répondre par la même assistance EFL que « les deux problèmes sont liés à la gestion du cache sous Firefox, il convient d’utiliser un autre navigateur ». Pour information, LN-JC ou 2LR marchent très bien sous Firefox. Après discussion avec l’éditeur, il semble que ces réponses étaient des suggestions, non des préconisations impératives.
– Navis n’est pas suffisamment optimisé pour les navigateurs standards sur les Mac. Firefox 3 pour Mac « n’est pas adapté » et il convient d’utiliser Safari. Cependant, d’après un de mes contacts, Safari provoque des problèmes d’affichages bloquants notamment, l’absence du picto et lien actif sur "lien suivant" permettant de naviguer dans les résultats suivants après une recherche.
– A cause de ces problèmes, une partie des utilisateurs a envisagé de continuer de travailler sur l’ancienne version, en passant par un lien profond resté disponible (voir FAQ infra). Or, depuis lundi 2 février, ce lien ne fonctionne plus selon mes tests (l’éditeur a mis en place une redirection depuis cette adresse profonde vers la nouvelle version, comme il l’avait déjà fait mercredi depuis doc.efl.fr et doc.efl.fr/vosabos/).
– Aide : pas de mode d’emploi en ligne pour le moment (hors "Aide contextuelle"), pas d’information sur ce qui change.
– L’accès à la nouvelle version de Navis nécessite toujours la saisie de vos codes d’accès, mais ils n’ont pas changé. Précision : l’interface vous demandera ensuite un identifiant : attention ! contrairement à ce que je croyais, ce n’est pas à nouveau l’ID de votre abonnement qu’on vous redemande mais l’identifiant individuel de l’utilisateur (voir immédiatement infra).
– Identification des utilisateurs (fiche de renseignements) : beaucoup de grands comptes ont clairement exprimé leurs réticences face à l’obligation faite désormais à chaque utilisateur final de s’identifier nominativement avec adresse etc.. De l’aveu même de l’éditeur, les informations de cette fiche sont destinés à ses commerciaux suivre les utilisateurs pour étudier leurs comportements en ligne et proposer de nouveaux services. Des contacts commerciaux ont précisé à certains clients que, suite aux premières réactions, seuls les civilité, nom, prénom et adresse mail devraient finalement être obligatoires (cela ne devrait pas être effectif avant juin 2009 ...), mais cela ne change pas grand’ chose. Quid de l’utilisation qui pourra être faite de ces données ? En dehors des problèmes évidents liés à la loi Informatique et liberté et à la confidentialité que les avocats doivent à leurs clients, quid de l’utilisation commerciale : connaissance nombre effectif d’utilisateurs à rapporter au nombre d’accès souscrits, etc. ? Depuis le 16 février, toutefois, l’éditeur a rajouté une mention CNIL et exige moins d’informations.
Ci-dessous, suggestions de remplissage de la fiche d’identification de l’utilisateur :
– Fonctionnalités :
- la recherche :
- par défaut, la recherche est en version "simple" : on ne peut pas choisir les publications sur lesquelles on veut effectuer la recherche [5]. Cette limite est la première remarque que m’ont faite mes utilisateurs. Il faut penser à passer en recherche avancée pour retrouver l’interface dont on a l’habitude
- le moteur de recherche global est en théorie intéressant. Combiner Fiscal et Affaires, par exemple, pourrait aider dans les recherches préalables à des montages d’ingénierie juridico-financière
- là où on a de gros problèmes, c’est avec la version simple du moteur (que ce soit en recherche toutes matières comme par matière). En recherche simple, la façon de trier les résultats me semble — comment dire ? — une fausse bonne idée. Exemple avec "crédit d’impôt recherche" (recherche faite le 5 février 2009) : on obtient 4020 résultats, et aucun des 11 résultats de la première page n’est satisfaisant. Et les guillemets, qui pourraient aider ici, ne sont pas pris en compte.
Explication : ici, l’éditeur a voulu bien faire en proposant une recherche dispensant l’utilisateur de conaître les "subtilités" [6] du langage booléen (ET, OU, SAUF, troncature, parenthèses). En fait, la recherche "simple" met un ET implicite entre chaque mot, puis trie les résultats de la manière suivante : d’abord par proximité entre les mots-clés dans les documents, puis selon leur présence dans le titre, et sur le tout elle applique son dictionnaire de synonymes, lui-même élargi par l’utilisation de la cartouche droit du produit Luxid de Temis [7]. En théorie, c’est génial. En pratique, pour l’instant, ça ne nous semble pas très réussi. Il va falloir, dans un premier temps, augmenter le poids du critère de tri qu’est la présence des mots-clés dans le titre - disparition dans la recherche du réglage de proximité entre les mots, pourtant fort utile. Ne subsisteraient que le ET ou l’expression exacte. Comme les éditeurs le savent, les utilisateurs experts, même s’ils ne regroupent pas que les documentalistes, sont minoritaires et maintenir des interfaces experts est donc une perte de temps On a déjà constaté chez LN-JC la disparition de l’interface expert de toutes les bases, sauf la recherche générale. Navis prend la suite, semble t’il
- la recherche par expression n’est plus possible ailleurs *que* dans la Recherche avancée *et* à condition d’utiliser le champ "Expression exacte". Et avec ce système, évidemment, on ne peut saisir qu’une seule expression par requête !
-
{{"Mes dernières recherches" manquent de confidentialité}}. En dépit de la demande d'identification personnelle, on peut voir dans "Recherches communes" toutes les interrogations des membres de la structure si ceux-ci n'ont pas spécifié une recherche personnelle. On peut aussi supprimer manuellement leurs recherches qui se trouvent dans le pot commun. Problème résolu au 16 février 2009
- impression, export :
- les boutons imprimer et exporter sont en haut à droite sous forme de toutes petites icônes. Ce n’est pas évident, lors des premières utilisations, de savoir imprimer, car ces icônes sont à la fois peu repérables et peu "parlantes"
- problèmes d’impression : des avocats ont signalé des problèmes d’impression
- problèmes liés aux tableaux — un problème déjà signalé sur l’ancienne version. Il ne s’agit pas d’un problème propre aux clients
- comme avant, pensez bien à vous déconnecter après utilisation (fermer la fenêtre suffit) pour ne pas continuer à occuper la connexion pendant encore une heure. C’est le fameux "time-out" et ici, il est vraiment trop long. 20 minutes — durée standard — conviendraient nettement mieux. Bug en ce domaine : après s’être déconnecté, la fenêtre d’authentification EFL s’affiche de nouveau ... Il manque aussi un message prévenant que le nombre maximal de connexions simultanées est atteint.
– On peut également regretter :
- la mise en page, moins lisible, notamment le fonds gris présent sur les pages d’interrogation et de résultats
- la présence de l’ensemble des onglets matières (pour des abonnés à une seule matière), même si nous comprenons l’intention commerciale. Idem pour les actualités
- pour l’accès multi-utilisateurs, l’accès par l’utilisateur final aux données relatives à l’abonnement et à la gestion.
– Contenu :
- la nouvelle version intègre plus vite les revues d’actualité, mais uniquement sur les pages d’accueil (partie "Zoom") . On a donc les dernières infos du BRDA et du Feuillet rapide Fiscal-Social. C’est à mon sens la seul nouveauté vraiment importante, ce que confirme l’e-mail que j’ai reçu de l’éditeur (voir infra), pour qui « la mise à jour en continu de [ses] documentations sur Internet est l’objectif prioritaire qu’[il s’est fixé] pour 2009 » [8]
- elle intègre les dossiers Thèmexpress [9]
- elle permet aussi d’interroger ensemble toutes les matières auxquelles on est abonné.
– De réels problèmes de communication :
- les clients n’ont pas été vraiment tenu au courant de la sortie. Juste un petit carton aux gestionnaires d’abonnements, sans date précise. Une date de sortie deux fois reportée. Pas de message pour annoncer la bascule, pas de message pour avertir de la suppression de l’accès à l’ancienne plate-forme. Et des commerciaux qui visiblement ne sont pas plus au courant que les clients [10]
- absence de visibilité à court terme : les clients ne sont toujours pas tenus au courant. Comment informer et former nos utilisateurs dans ces conditions ?
Lancement du nouveau Navis : questions-réponses
J’ai posé plusieurs questions par téléphone à l’assistance de Francis Lefebvre. Ils ont décroché assez rapidement, vu le contexte, et je les remercie pour leurs réponses. Les voici, prises en notes rapides :
– Quel lien entre la fiche de renseignement sur l’utilisateur et les "Préférences" ?
EFL : Seul point commun entre les deux : chacune des deux se rattache à un utilisateur — pas à l’abonné, le payeur. La fiche de renseignements ne se remplit qu’une fois [enfin ... il faudrait pouvoir la rectifier ou la modifier et ce n’est guère possible pour l’instant], on y tape [si on veut, cf image supra], ses nom et prénom d’utilisateur (ceux qui vous accueillent sur la page d’accueil du portail, en haut à gauche) mais pour le reste, ses informations sont destinées aux commerciaux de Francis Lefebvre. Les "Préférences" en revanche sont modifiables, ne comportent pas de nom, juste une adresse e-mail et pour l’essentiel gèrent les alertes e-mail de l’utilisateur.
– Pourquoi la date de passage à la nouvelle version a t’elle été reportée au moins deux fois ? (elle a été initialement annoncée pour entre le 23 et le 26 décembre 2008 puis pour le 15 janvier 2009)
EFL : « Il y avait encore des soucis au niveau du site, des pages pas prêtes, des liens en erreur. »
– Pourquoi cette lenteur d’accès, le jour du lancement, à la page d’accueil de la nouvelle version ?
EFL : deux raisons :
- « Tout le monde se connecte au nouveau site, s’enregistre, ce qui ralentit le site. »
- « Le site a été mis à jour dans la nuit du 27 au 28 mais il y a tellement de données que ça continue ce [28 au] matin : on est encore en train de transférer les données des utilisateurs vers la nouvelle version et il y a une maintenance du site. »
– Une "Page erronée" s’affiche une fois connecté et identifié. Certains utilisateurs ont "Page erronée" qui s’affiche une fois qu’ils se sont connectés.
EFL : d’après une collègue qui m’a signalé le problème : « après étude par le service assistance de Francis Lefebvre, cette page erronée apparaît quand les utilisateurs ont eu la malheureuse idée de créer un identifiant personnel comportant un tiret ou un espace ... EFL dit avoir identifié le bug et être en train de le corriger. »
– Pourquoi, sur certains postes, on ne peut on plus se connecter à l’ancienne version ? Que peut on faire pour permettre l’accès à l’ancienne version ?
EFL : « Sur l’adresse http://doc.efl.fr il y a une redirection vers le nouveau portail. Ceux qui arrivent à accéder encore à l’ancienne version, c’est parce que l’URL de leur favori est le lien profond suivant : http://doc.efl.fr/vosabos/frm_vosabos.jsp». NB : ce lien ne fonctionne plus le lundi 2 février.
Une réponse de l’éditeur
J’ai reçu cet e-mail de l’éditeur le 29 janvier à 18h11, qui confirme plusieurs informations supra, mais semble sous-estimer les problèmes rencontrés chez les grands comptes (cf supra) :
« La bascule s’est globalement bien passée sur l’ensemble de notre parc abonnés malgré des lenteurs et une interruption de service de deux heures pendant la première journée.
Nous tenons à vous informer qu’aujourd’hui, l’accès aux anciens produits Navis n’est plus possible (ancienne URL). Une redirection systématique vers le nouveau portail est effectuée. En effet, seuls les fonds documentaires du nouveau portail sont mis à jour et il serait dangereux de laisser l’accès aux anciens produits qui ne sont plus à jour.
La mise à jour en continu de nos documentations sur Internet est l’objectif prioritaire que nous nous sommes fixés pour 2009. Par ailleurs, nous allons également enrichir le contenu de nos produits. »
Emmanuel Barthe
documentaliste juridique
Notes
[1] Il semble que cette fois, les EFL n’aient pas travaillé avec la SSII Jouve.
[2] Même si on peut le comprendre par la volonté de l’éditeur de n’inclure un document dans la base que lorsque les autres ont été mis à jour avec les informations qu’il apporte. Ce qui prend du temps.
[3] Cela fait partie des recommandations de notre Guide de bonnes pratiques à destination des éditeurs pour la conception de plateformes/bases de données juridiques en ligne.
[4] 1. Lors d’une navigation sur Navis, sans quitter ou fermer le navigateur, il est fréquent de se voir interdir l’accès (il n’a plus de session disponible) car je passe d’une arborescence de recherche à l’autre ou autre navigation habituelle : je suis obligé d’attendre inutilement. 2. Sous Firefox 3, une fois sur deux le Navis m’affiche une erreur 401 ce qui m’oblige à réinitialiser le navigateur (vider le cache et les cookies).
[5] Ce processus de sélection des sources à balayer est essentiel en recherche informatisée, car il apporte moins de réponses et plus de pertinence dans celles-ci. Il accélère et fiabilise donc la recherche.
[6] Selon moi, ce ne sont pas des subtilités : les bases de la théorie des ensembles ne sont pas bien difficiles à comprendre et au moins on maîtrise sa recherche. C’est un peu comme de prendre des leçons pour apprendre à conduire, ça évite les accidents. Et en plus, c’est beaucoup plus facile que d’apprendre à conduire.
[7] Egalement utilisé par la DJO/Legifrance.
[8] Cette meilleure mise à jour, si elle n’était pas si mal implémentée, aurait pu constituer une amélioration bien plus importante et efficace pour les juristes que le moteur de recherche global, lui aussi mal implémenté.
[9] D’où augmentation des tarifs. Je ne suis pas certain que c’était demandé par tous les clients.
[10] Je reprend là largement les propos de plusieurs de mes collègues.
Commentaires
Aucun commentaire
Laisser un commentaire