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L’enjeu : citer la date, la chambre et le n° RG

Les décisions de justice et la presse : journalistes, encore un effort !
Les raisons d’un refus et les incohérences d’un manque de références

A la recherche d’un arrêt pénal de la cour d’appel de Paris [1], j’avais rempli le formulaire CERFA et l’avais envoyé au greffe pénal de la Cour, en donnant le nom de partie personne morale, la date, la chambre et le n° du pouvoi ayant frappé la décision.

Le greffe pénal de la CA Paris, un mois et demi après, me répond en Mr demandant un numéro de parquet ou le nom d’une partie personne physique [2].

A force de recevoir des demandes massives (repoussées de surcroît par la circulaire du ministre de la Justice du 19 décembre 2018) ou même légèrement imprécises, et quasiment sans moyen de recherche (le logiciel CASSIOPEE de suivi de ce type de décision est très défaillant [3]), les greffes ne font plus de recherches. Ce n’est donc pas de la mauvaise volonté de leur part mais un manque de temps et de moyens.

Visiblement, ils ne prennent plus que des numéros de rôle (dits n° RG) [4] ou de parquet.

Le problème est aggravé par les pratiques de la presse généraliste, à scandale et économique [5]. Les journalistes non juridiques ne donnent pas, dans leurs articles, les références complètes des décisions qu’ils citent. Parfois, même en relisant deux fois l’article, la date exacte de rendu de la décision n’est pas claire. Quant à la chambre/pôle et au numéro RG, là, on en demande trop car « ça n’intéresse pas le lecteur » ou bien « xxx est un média généraliste ». Pour finir, il est difficile de joindre le journaliste, même par email et encore plus difficile d’obtenir de lui les références (alors qu’elles tiennent en un petit n° RG), a fortiori copie de la décision.

Voici ce que m’a dit en substance un journaliste, interrogé au téléphone (lui au moins a accepté d’être joint, qu’il en soit remercié) : « On m’a transmis cette décision sous condition de confidentialité. » Juristes, documentalistes, je parie que ça vous est arrivé à vous aussi !

Dans ce cas, ai je envie de dire, en m’adressant aux journalistes non juridiques :

  • une décision de justice est dans la majeure partie des cas publique [6] — sans parler de l’open data des cours d’appel non judiciaires en cours (mais qui ne concerne pour l’instant que les décisisions de cour d’appel non pénales depuis le 15 avril) [7]. Ne pas en citer les références pose un problème de cohérence
  • sinon, pourquoi alors ne pas carrément cesser de signaler des décisions de justice ? Il y a en effet à mon sens un problème puisque personne ne peut étudier la décision afin de vérifier si elle va bien dans le sens indiqué (rappelons, sans vouloir froisser personne, que le droit est une science et qu’un journaliste non juridique n’est pas équipé pour l’interpréter). Sans référence précise, un journaliste risque de faire d’abord de la communication au bénéfice de la partie qui lui a transmis la décision.

En espérant être lu par des journalistes. Les commentaires sont ouverts. On peut aussi me contacter sur mon compte Twitter @precisement.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, pisteur de jurisprudence dans la jungle des normes

Notes

[1Arrêt non disponible en ligne chez éditeurs juridiques et legal tech, on a vérifié.

[2Que du fait de la pseudonymisation des décisions je ne suis pas censé connaître, mais passons.

[5Liste des principaux titres concernés : La Lettre A, Africa Intelligence, Le Monde, Les Échos, L’Agefi, Libération, le Figaro, Le Parisien, Mediapart, Le Point, Challenges, Le Canard Enchaîné ; Gotham fait exception.