Le podcast est une perte de temps pour les veilleurs
... par rapport à l’écrit
Un des premiers podcasts d’éditeur juridique
La mode est aux articles audio et podcasts [1]. Fort bien. C’est sympa.
Selon Cyrille Frank, consultant et directeur de l’organisme de formation continue Ecole Supérieure de Journalisme Pro (ESJ Pro), « c’est un moyen de toucher un public plus jeune sur des canaux qu’ils fréquentent (Spotify, Apple…). Ce format serait même beaucoup plus pratique que la lecture pour ce public, car il autorise le multi-tasking. » Et, pour une presse à la recherche de rentabilité, le temps moyen passé sur les articles audio est plus long.
Pour C. Frank, l’audio est « bien pour du reportage, récit, feuilleton, témoignage. Plus difficile si chiffres, dates, analyse complexe » [2].
Clairement, c’est vendeur, je le sentais depuis des années. Mes enfants me le montraient. Même des éditeurs scientifiques ou professionnels (juridiques comme Lefebvre Dalloz, LexisNexis ou Wolters Kluwer (Lamy) par exemple [3]) se lancent.
Sj je peux toutefois faire entendre une voix dissidente (minoritaire, je sais, j’ai l’habitude) : pour un cadre supérieur pressé ou un professionnel de l’information, le podcast, en l’état actuel, n’est généralement pas pratique :
- il faut écouter en entier, sans pouvoir accélérer sauf appli spéciale (l’écrit, vous sautez tout ce qui ne vous intéresse pas)
- et ce n’est pas "time-indexed" (contrairement au mouvement qui débute sur Youtube)
- quant au multitasking, vous croyez vraiment que c’est une méthode de travail efficace [4] ?
Une vidéo juridique au contenu "time-indexed" sur Youtube
L’article écrit comprend, lui, un résumé/chapeau. Il peut se lire en diagonale (techniques de lecture rapide).
En bref, à part si on est dans les transports, pour un veilleur ou n’importe quel lecteur/rice pressé/e :
- podcast = perte de temps
- écrit = gain de temps.
D’où ces quelques suggestions aux réalisateurs de podcasts :
- accompagner systématiquement le podcast d’un résumé. Le plus souvent, c’est déjà fait
- donner un sommaire de l’entretien, avec indication de chaque sujet abordé, et de son timing, afin d’aller directement aux passages intéressants. Surtout si la vidéo dépasse 3 minutes. Cf ce qui se fait de plus en plus sur YouTube. Contre-exemple (extrêmement fréquent) avec cette vidéo juridique de 10 mn de long [5]
- proposer l’affichage du texte prononcé (dit aussi transcription). Là aussi, voir ce que font YouTube. Exemple avec une vidéo de Cookie Connecté sur le RGPD ou le blogueur/vloggueur Olivier Andrieu sur son blog Abondance (spécialisé SEO)
- parler assez lentement, car l’auditeur peut avoir besoin de noter des choses et revenir de seulement 10 ou 20 secondes en arrière avec le curseur est difficile sur les podcasts et vidéos
- préparer son texte, sans pour autant le lire. Des éditeurs embauchent aussi des acteurs pour une meilleure expérience de lecture.
Emmanuel Barthe
bibliothécaire documentaliste, veilleur, formateur
Exemple de transcription du post vidéo d’O. Andrieu
Notes
[1] Article audio, le format qui monte, Le débrief Media de l’ESJ Pro, édition n° 43, 1er juin 2021. La presse écrite tend l’oreille vers les articles audio, par Maya Elboudrari, La Revue des médias (INA), 24 mai 2021.
[2] Compte Twitter de Cyrille Frank, 2 juin 2021.
[3] Enquête interne, podcast de Lefebvre Dalloz sur la compliance/conformité. A l’Audience, podcast de la Semaine Sociale Lamy (Wolters Kluwer / Lamy) sur le droit du travail. LexisNexis publie désormais sur Lexis 360 Intelligence la veille de Lexis Veille en un podcast de quelques minutes.
[4] La réponse est non : notre cerveau n’est pas conçu pour faire deux tâches en même temps si chacune requiert de l’attention. Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois ?, par Caroline Huron, TEDx Champs Elysées ED, 16 novembre 2015. Multitasking : Switching costs, American Psychological Association (APA), 20 mars 2006. La vérité sur le multitasking : Est-ce bon ou mauvais pour la productivité ?, par Matthieu Desroches, 15 mars 2018.
[5] Par un auteur dont j’apprécie beaucoup la compétence et les nombreux contenus qu’il publie en ligne.
Commentaires
2 commentaires
Le podcast est une perte de temps pour les veilleurs
Vous n’êtes pas seul. Je partage tout à fait votre avis, cette manie du podcast est une véritable contrainte dès que l’audio ce n’est pas accompagné du texte intégral.
Le podcast est une perte de temps pour les veilleurs
Cher Emmanuel,
Nous croyons aux podcasts qui sont pratiques pour certains usages et personnes, comme vous le soulignez dans votre article.
Nos équipes apportent le plus grand soin à leur réalisation.
C’est pourquoi nous avons bien noté et nous vous remercions pour vos conseils en ce qui concerne les besoins spécifiques des veilleurs.
Nous y « veillerons »,
Amicalement,
les équipes Wolters Kluwer – Lamy – Liaisons sociales
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