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Le Conseil constitutionnel autorise Parlement et Gouvernement à continuer de produire un droit obscur pour le non-initié ...

La complexité de la loi et l’hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi
... Mais peut on vraiment faire autrement ?

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011 sur la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, précise la définition de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, objectif qu’il avait lui-même institué. Il apporte ainsi une limite à sa propre création prétorienne et permet ainsi au Parlement et indirectement au Gouvernement de continuer à produire un droit extrêmement complexe, voire obscur pour les (très nombreux) non-initiés.

« Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

Considérant qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi présentent un objet analogue ; que la complexité de la loi et l’hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; qu’aucune des dispositions de la loi ne méconnaît par elle-même cet objectif ; que la procédure d’adoption de la loi n’a pas eu pour effet d’altérer la clarté et la sincérité du débat parlementaire »

« La complexité de la loi et l’hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » : tout est dit. Le Conseil semble reconnaître l’existence de « complexité » dans une loi dite pourtant « de simplification du droit », tout en expliquant ne rien pouvoir y faire.

Au fond et en pratique, comment faire autrement ? Le droit est une matière scientifique avec son langage à elle, un peu comme les mathématiques. Si elle perdait ce langage de spécialistes, elle perdrait probablement sa "complexité", mais en même temps, ce ne serait plus du droit mais de la morale. Autrement dit inapplicable car trop flou et sujet à arbitraire.

Si la loi "a le droit" d’être complexe selon le Conseil, alors peut-être faudrait il la faire précéder, comme les directives européennes, d’un exposé des motifs, qui la rendrait un peu plus compréhensible et favoriserait son interprétation a posteriori [1] voire lui adjoindre, comme pour certains décrets, un résumé ?

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique

Notes

[1Certes, les travaux parlementaires — en ligne — sont là pour ça. Mais ils peuvent ne pas suffire. Et ils ne sont pas la loi.