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Intérêt et limites des annuaires et portails juridiques
Dépassés par les moteurs de recherche, les annuaires en restent le soubassement indispensable

Beaucoup de bibliothèques, de documentalistes et d’organismes ont développé des annuaires de sites web juridiques pour guider leurs lecteurs et utilisateurs vers les meilleurs pages et sites web.

Aux débuts du Web, les résultats des moteurs n’étaient pas pertinents, car uniquement basés sur le texte intégral des pages web. Google et son classement par pertinence basé sur les liens hypertextes (le "PageRank") n’existaient pas. Les annuaires étaient lors incontournables et très utiles. Toute recherche
sur un des meilleurs moteurs de l’époque (AltaVista, Hotbot) devait être complétée par la consultation d’un annuaire.

Les défauts des annuaires juridiques français

Aujourd’hui, les annuaires de liens ont perdu beaucoup de leur intérêt. Pourquoi alors en ai-je commis un moi-même ? Parce que, s’ils sont réalisés dans une optique différente de celle de leurs débuts, ils peuvent encore aider à la recherche sur le Web. Cette optique, c’est sélectionner et enseigner, au lieu de chercher seulement à être exhaustif.

Mais restons dans notre spécialité : les sites juridiques français. Ce qu’on peut reprocher aujourd’hui aux annuaires de liens juridiques français, c’est :
 le manque de sélection des ressources : des annuaires comme la Porte du droit, Droit francophone ou le Juriguide listent entre 2000 et 3500 sites, dont certains plus ou moins juridiques. Alors qu’on peut estimer qu’il n’y a guère qu’environ 500, peut-être 600 sites juridiques français fiables et doté d’un contenu de qualité, des sites de spécialistes du droit (avocats notamment), d’institutions (Conseil de la concurrence, ...), des éditeurs (payants) et de e-zines (Juriscom, ...)
 le nombre important de liens en erreur 404 et les descriptions souvent un peu dépassées, le tout venant de la faible fréquence des mises à jour, découlant elle-même du nombre très (trop ?) important de liens
 pour des annuaires qui tiennent à tout référencer, les défauts des classifications utilisées :

  • manque de sous-catégories et/ou de tri. Avec quelques milliers de sites, ces manques deviennent criants : chez la Porte du droit ou Droit francophone, une même catégorie peut contenir plus de 200 liens en vrac, pas même triés. Exemples :
    Droit francophone > Doctrine > Vulgarisation du droit : 227 sites
    La Porte du droit > Social et Prud’Hommes : 170 sites
    Je tombe moi-même parfois un peu dans le piège :
    Internet juridique > Droit français > Propriété intellectuelle, communication, informatique, Internet et commerce électronique : 31 sites seulement mais je pourrais sans problème subdiviser en Communication, Informatique et NTIC et enfin Propriété intellectuelle
  • le manque de pertinence/caractère trop universitaire des catégories.

Le Juriguide, lui, échappe au manque de sous-catégories et son classement me semble pertinent, mais il est matériellement impossible à la petite équipe du Village de la Justice de passer leur temps à vérifier les liens. Heureusement, le webmestre du Juriguide précise pour chaque lien la date de son ajout à la base. Ceci compense cela et au total, le compromis retenu pour la réalisation et la mise à jour du Juriguide me semble relativement efficace.

Le recul général des annuaires

En plus de ces défauts, les annuaires et portails ont perdu la compétition qui les opposait aux moteurs de recherche. Le combat ne laisse que trois survivants : Google, Yahoo Search et le nouveau moteur en version bêta (test) de Microsoft (version de production prévue pour début 2005). Comme le notaient deux articles publiés fin 2003 dans l’excellente revue américaine Searcher [1], les internautes ont voté avec les pieds et ils ont choisi Google contre les annuaires, notamment ceux construits par les bibliothécaires pour guider leurs lecteurs et ce, quelle que soit la qualité de leur sélection. Depuis les premiers mois de 2004, les versions américaines de Google et Yahoo ont même retiré de la page d’accueil le lien vers l’annuaire (Google.com in English), soit relégué celui-ci en bas de la page d’accueil (yahoo.com). [Mise à jour au 27 août 20006 : cet été 2006, Yahoo.fr a carrément supprimé son annuaire (heureusement, la version US a gardé le sien, mais pour combien de temps ?) et Google.fr a, suivant l’exemple US avec deux ans de retard, relégué son (enfin, sa version de l’Open Directory) annuaire derrière le lien "plus >>".]

Les défauts de Google, les limites de Juritel.info

Mais Google a un inconvénient majeur pour un juriste et plus encore pour un non juriste qui cherche du droit : il ne trie que par pertinence, pas par la qualité, la fiabilité ou le caractère officiel de l’information, ce qui est important en général et vital/quasi-obligatoire en droit. Ce n’est pas parce que beaucoup de liens pointent vers une page web ou que ses mots correspondent exactement à ceux de votre recherche que, pour autant, elle a été rédigée par un auteur fiable ou qu’elle a été validée par un comité éditorial. Ainsi, il arrive que Google renvoie vers des articles de la presse informatique un peu approximatifs sur les réformes du droit de la propriété intellectuelle et de l’Internet.

La voie de l’avenir, pour guider efficacement les internautes, c’est alors peut-être celle montrée par les moteurs de recherche juridique Légicité (qui n’intègre plus de nouveau document depuis 2003) puis Juritel.info, un projet plus récent : créer des moteurs thématiques et n’indexant que des sites sélectionnés (voir par exemple la sélection d’environ 300 sites qu’indexait Légicité ; Juritel.info en indexe lui plus de 2000). Mais alors, comment atteindre l’expertise technique et la puissance d’indexation de Google ? Mission impossible ?

Pourtant, pas de moteur pertinent sans annuaires

Reconnaissons en revanche une utilité formidable aux annuaires de sites web juridiques : sans eux, la pertinence de Google serait bien moindre. En effet, d’une part, Google utilise doublement l’annuaire Open Directory (ODP) : il le copie pour en faire son "Directory" et il l’utilise en partie (en partie, oui, mais en partie seulement, voir les discussions à ce propos sur les forums du site WebmasterWorld, notamment ce fil-ci et celui-là) — comme tous les autres grands annuaires — pour établir la pertinence de ses résultats (le PageRank cité plus haut). En clair : entrer dans l’ODP fait monter le rang d’un site aux yeux de Google. D’autre part, Google répertorie les liens que tissent les autres annuaires et les analyse comme autant de recommandations.

Le maître mot : sélectionner

Ce qui entre parenthèses renforce ma suggestion implicite précédente : les annuaires devraient ne pas hésiter à afficher leurs préférences et leurs évaluations en sélectionnant plus. Mais cela peut entrer en contradiction avec l’objectif commercial de plusieurs d’entre eux, qui travaillent souvent sur la base du partenariat et de l’échange de liens, donc au mieux sur la base de l’exhaustivité, non pas d’une sélection fondée sur la valeur du contenu des sites.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, auteur d’un annuaire juridique sélectif

Notes

[1What Google Teaches Us that Has Nothing to Do with Searching / Gary Price, Searcher vol. 11 n° 10, nov.-déc. 2003 ; How Librarians Can Manage the Unintended Consequences of the Internet / Marylaine Block, Searcher vol. 11 n° 9, oct. 2003