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Filtrage d’Internet, DRM renforcés, responsabilité accrue des ISP, sanctions forfaitaires, manque de transparence ...

Exagérations et réalités sur l’ACTA
Un projet de traité anti-contrefaçon négocié en secret

ACTA, vous ne connaissez pas ? Normal, ce projet de traité anti-contrefaçon (anti-copie illégale) est négocié en secret [1]. Le texte du projet n’a été rendu officiellement disponible que tout récemment (le 20 avril 2010), sous la pression publique, notamment celle du Parlement européen, alors que huit "rounds" de négociations ont déjà eu lieu depuis 2007 et qu’une version finale du texte est prévue pour cette année 2010.

ACTA signifie Anti-Conterfeiting Trade Act. "Counterfeiting", en anglais, c’est la contrefaçon.

Ce que dit d’ACTA la Commission européenne, qui est partie aux négociations pour l’Union européenne et donc les Etats membres, est dans cette FAQ : en un mot, selon elle, rien de neuf par rapport au droit actuellement applicable en Europe. Voir aussi ce que disent les participants à la négociation. L’ensemble des communications de la Commission sur l’ACTA est là.

Le communiqué commun de toutes les associations françaises de bibliothécaires, documentalistes et artichivistes [2] explique l’enjeu [3] :

« Pour lutter contre le téléchargement illégal, l’ACTA imposerait à tous les pays signataires d’engager la responsabilité des FAI (Fournisseurs d’accès à Internet), de mettre en place de manière systématique des mesures de filtrage du réseau et de blocage de l’accès aux sites et d’organiser un dispositif de riposte graduée sans passer par le recours au juge [Il se pourrait, au vu du texte de l’ACTA, que ce soit là une erreur d’interprétation de l’IABD.] afin de couper l’accès à Internet des contrevenants.
L’ACTA consacre par ailleurs à nouveau la notion de DRM (Digital Rights Management – gestion des droits numériques) et renforce les moyens de lutte contre leur contournement.

Cette menace n’a plus rien d’hypothétique à présent, puisque les parties ambitionnent de clore les négociations au cours de l’année 2010. En ce mois de janvier, les pays négociateurs se réunissent au Mexique, pour un septième round de discussions. Une huitième rencontre est prévue pour le mois d’avril, vraisemblablement en Nouvelle-Zélande. »

Les points décrits ci-dessus par le communiqué de l’IABD font partie de l’article 2.18 de l’ACTA. C’est toutefois, visiblement, la partie de l’ACTA qui est encore la plus discutée par les négociateurs : de nombreux paragraphes sont entre crochets et/ou mentionnés comme "option".

Il est aussi prévu à l’article 2.2, pour la musique, mais apparemment pas dans le cas du téléchargement sur Internet, d’ouvrir la possibilité de sanctions d’un montant forfaitaire ou prédéterminé par des critères très précis [4].

Lire aussi les premières analyses rapides publiées par PC Inpact le 21 avril et Electron Libre le 22.

Une déclaration de Wellington rédigée par des acteurs néo-zélandais de l’Internet (traduction française) prend position pour "recadrer" l’ACTA. Il est possible de signer une pétition en ligne en faveur de cette déclaration.

Il est tout à fait exact que la contrefaçon de produits et le P2P illégal se sont massivement développés et menacent les revenus voire la survie de firmes et la sécurité des consommateurs, notamment en matière de médicaments et de pièces détachées pour les transports (pneus ...). C’est ce qu’illustrent plusieurs initiatives de l’Union des fabricants (Unifab), l’association des industriels français pour la défense de la propriété intellectuelle :

Les pays occidentaux sont concernés au premier chef, en tant que producteurs de produits culturels [7] ou à forte valeur ajoutée.

Les actions anti-ACTA ne visent pas à empêcher la lutte contre la contrefaçon, mais à maintenir une proportionnalité dans les sanctions — sans compter que si les téléchargeurs et les "petits" contrefacteurs sont rarement sanctionnés, les "gros", eux, sont rarement pris —, un juge pour les valider et à éviter de transformer les fournisseurs d’accès en censeurs du Net et les DRM en outils anti-partage et anti-pratiques.

Ces actions visent aussi à faire élaborer certains traités — qui dans la plupart des Etats membres de l’UE ont une *valeur supérieure aux lois*, a fortiori quand ils sont signés par l’UE elle-même [8] — de manière plus transparente. Surtout quand ils contiennent des dispositions *pénales* et qu’on considère qu’en Europe la quasi-totalité des traités signés par les exécutifs sont ratifiés [9].

Emmanuel Barthe
documentaliste, juriste

Notes

[1« The ACTA negotiating parties are keen to provide as much transparency as possible within the bounds imposed by a negotiating process among States. » Source.

[2Autrement dit, l’Inter-Association Bibliothèque Documentation (IABD). Gras, liens et notes sont de nous.

[3Cf la section 4 de l’ACTA, dont le titre est : "Special Measures Related to Technological Enforcement of Intellectual Property in the Digital Environment".

[4Article 2.2, 2, a : "pre-established damages". Article 2.2, 2, b : "presumptions for determining the amount of damages sufficient to compensate the right holder for the harm caused by the infringement".

[5Attention, le lien est vers une animation Flash très longue à charger.

[6L’impact de la contrefaçon vu par les entreprises en France, avril 2010. Rapport réalisé par l’Unifab en coopération avec l’Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle (IRPI), l’IFOP, Philippe Boudoux et Arnaud Ilie.

[7Cf article 2.18, 3, option 1 de l’ACTA : « in order to facilitate the continued development of an industry engaged in providing information services online ».

[8De surcroît, l’article 1.2 de l’ACTA prévoit que « les signataires du traité devront donner effet aux dispositions de ce Traité ».

[9Nettement moins aux Etats-Unis, où le Parlement est plus puissant.