De la valeur des intermédiaires en matière de recherche d’information
Ou comment le documentaliste peut faire gagner du temps quand le sujet est mal ou pas traité en ligne
Chercheurs d’info de tous les pays, allez donc lire cet article du Monde.fr du 24 août : Un grand sabordage professionnel, ou Quand les journalistes privés d’Internet se souviennent qu’il existe des documentalistes pour les aider ... (le sous titre de la Lettre de Territorial.fr qui a repéré l’article [1]).
Elise Barthet, la journaliste auteur, a pour défi de faire son travail pendant une semaine *sans* Internet.
« [Evidemment,] en temps normal, je taperais "autonomie du Groenland" dans Google. Après un passage express sur Wikipedia, je traînerais sur quelques-uns des milliers de sites consacrés à l’île arctique, ses habitants, son artisanat et son sous-sol, potentiellement riche en hydrocarbures. J’absorberais une quantité effroyable d’informations – dont certaines inutiles – de manière concentrée. »
Etant sans Internet, elle se rend au journal et à peine arrivée, file à la Documentation :
« Heureusement, la maison mère a gardé le goût des vieux imprimés. Le long des murs du service de documentation s’étalent des centaines de dossiers classés. [...] Je commence à perdre espoir quand la documentaliste extrait une fine pochette d’un vieux dossier cartonné. A l’intérieur, une cinquantaine de coupures jaunies. Je tiens mon trophée, ma dose d’info. »
Pas très reluisant quand même pour la documentaliste, roue de secours du journaliste. Et totalement injuste pour elle, car apparemment, la moitié de l’info qui va servir à écrire l’article viendra d’elle !
Pas très reluisant pour les journalistes non plus, car si l’essentiel de leurs infos viennent d’Internet, où de nombreux sites gratuits manquent de fiabilité, qui ne contient que très peu de littérature grise — en bref, qui est beaucoup moins riche en info fiable et exploitable rapidement que les sources payantes et papier —, et qu’ils se contentent d’en faire la synthèse, eh bien, hum, comment dire : qu’apportent ils au lecteur qui a aussi une connexion Internet ? Parce que des synthèses, sur Internet, on en trouve pas toujours, mais parfois si. Et puis, souvent, on peut la faire soi-même. Autrement dit : vivement le grand retour des enquêtes fouillées [2], fatigué des synthèses de pages web et du canon à dépêches de presse.
Le/la documentaliste, lui/elle, ne prétend pas écrire une info qui existe ailleurs, il la réunit, la distribue, la conserve, la signale, il forme à des méthodes de recherche efficace, il achète les sources d’info au meilleur prix. Il accélère, rentabilise, fiabilise, partage l’information. Entre autres, parce qu’il fait aussi de la veille.
Cet article, au final, donne une assez bonne idée de ce qu’un chercheur d’info peut gagner en fiabilité et en temps si son sujet est peu ou mal traité sur le Web — et même sur le Web ... le nombre de gens qui ne savent pas y chercher efficacement ... — s’il pense à interroger 5 mn un documentaliste. Ca me rappelle cet étude de Reuters résumée ainsi : Librarians do it better.
Bon, je sens que je vais me faire allumer par des journalistes :-) Je l’aurais bien cherché, me direz vous. Les commentaires sont faits pour ça : Feu !
Emmanuel Barthe
documentaliste juridique
Notes
[1] Merci Rémy.
[2] Je sais : on n’en prend pas tellement le chemin, le public n’est pas très demandeur, etc. N’empêche.
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