Cyberharcèlement sur les réseaux sociaux : comment réagir ?
Ce billet est en cours de rédaction ("work in progress"). Il sera amélioré et augmenté progressivement.
Agir à court terme
Premiers éléments urgents de réponse technique au cyberharcèlement d’abord :
- se mettre en mode "Avion", puis couper les notifications de l’application
- bannir les pires harceleurs
- pour le reste limiter les personnes pouvant répondre répondre à vos messages (tweets etc).
Certes, il reste possible aux harceleurs de "citer" vos messages, notamment vos tweets. Mais cela sort le nouveau message du fil (thread), donc de la chaîne des réponses.
Inconvénient : ça limite aussi la portée de vos tweets.
Source : thread Twitter F. Mehrez 16 juillet 2021.
Voir aussi la page Que faire du site Non au harcèlement et surtout la remarquable liste de conseils et de ressources tenue par le site Féministes vs cyberharcèlement. Notamment :
- appeler un numéro vert
- faire appel à un soignant
- augmenter la sécurité de vos comptes en ligne
- ...
Pour les enfants et les adolescents, il y a la ligne gratuite Net Ecoute au 3018, gérée par l’association E-Enfance. 12 permanents y répondent au téléphone.
Agir à moyen terme : déposer plainte
Ensuite, répliquer, sur le plan juridique. Conseils pour se protéger et pour déposer plainte. Que faire, et dans quel ordre. Par l’officier de gendarmerie Matthieu Audibert, doctorant en droit privé et sciences criminelles, spécialiste cybercriminalité.
Car le harcèlement en ligne est punissable pénalement.
Source : Cyberharcèlement sur les réseaux sociaux : comment réagir (sur un plan juridique d’abord) ? Archive PDF par ThreadReader.
Agir à long terme : nettoyer, renforcer les obligations de modération
Pour agir efficacement contre le cyberharcèlement, il y a aussi les agences de de e-réputation, qui ne sont pas gratuites et ne remplaceront pas une action plus forte des pouvoirs publics et de Google, Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat, Pinterest, etc. Attention : les agences de SEO (référencement web) ou de veille, ce n’est pas la même chose. Les agences de e-réputation sont des nettoyeurs ou plutôt des modificateurs de réputation en ligne.
La loi Avia a échoué, mais à notre sens, il ne faudrait pas abandonner la voie d’une obligation renforcée de modération rapide. Les ancêtres des réseaux sociaux, les listes de discussion par email puis les forums, étaient souvent modérés, certains a priori, d’autres a posteriori — ce qui n’empêcha pas de premiers abus [1]. J’ai été co-modérateur d’une liste de discussion et il m’est clairement apparu que la modération est une nécessité mais aussi un véritable travail — autrement dit, elle a généralement un coût ... La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) va clairement dans ce sens dans son avis relatif à la lutte contre la haine en ligne (A - 2021 - 9). La CNCDH est grosso modo satisfaite de l’état du droit ... mais pas des moyens alloués et préconise de faciliter certaines actions en justice. Et elle recommande de crééer des obligations de modération accrue pour les réseaux sociaux (recommandations n° 7 à 12) [2].
Sur le plan psychologique, il y a des exemples de résilience à glâner dans le livre de David Doucet La haine en ligne (Albin Michel, 2020, 232 pages, dans toute bonne librairie ou bien votre bibliothèque municipale). David Doucet procède également à une une analyse assez complète des causes du cyberharcèlement, auquel les adolescents sont extrêmement sensibles.
Emmanuel Barthe
juriste documentaliste
Liste des recommandations de la CNCDH dans son avis relatif à la lutte contre la haine en ligne (A - 2021 - 9) [3] :
Recommandation n° 1 : la CNCDH recommande aux pouvoirs publics :
- d’augmenter les moyens humains et financiers octroyés au nouveau pôle spécialisé du Parquet du Tribunal judiciaire de Paris en raison de l’ampleur du phénomène de la haine en ligne ;
- de veiller au maintien de la place du juge dans le contentieux relatif à la haine en ligne.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande aux magistrats compétents de recourir davantage à la procédure sur requête aux fins d’identification de l’auteur du contenu litigieux.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande au ministère de la justice de réfléchir à une simplification de cette procédure par double requête afin d’accélérer le traitement de ce contentieux, et d’en limiter les frais.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande aux pouvoirs publics d’augmenter les moyens humains et financiers alloués à la plateforme PHAROS, qui permet de signaler des contenus illicites sur internet et fait partie intégrante du dispositif judiciaire de lutte contre la haine en ligne.
Recommandation n° 5 : la CNCDH recommande la création d’un organisme indépendant dédié à la lutte contre la haine en ligne, placé sous l’égide de l’ARCOM. Il serait notamment chargé de l’accompagnement de l’utilisateur des services numériques, et du développement de la recherche sur les systèmes algorithmiques de modération de contenus.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande de promouvoir que, pour mener à bien ses missions, le Comité européen s’inspire de celles confiées au niveau national à l’organisme public indépendant, telles que définies précédemment.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de :
- harmoniser les dispositifs de signalement internes aux plateformes ainsi que les critères de signalement, notamment par la création d’une interface commune aux plateformes à but lucratif, dont l’activité sur le territoire français, qu’elles y soient ou non établies, dépasse un seuil de nombre de connexions fixé par décret ;
- mettre à la charge des plateformes l’obligation de renvoyer les utilisateurs vers les dispositifs publics de signalement, tel celui de PHAROS, dans un objectif de simplification et d’articulation des dispositifs de signalement existants ;
- traiter, de manière prioritaire et dans les meilleurs délais, les notifications soumises par les signaleurs de confiance, afin de consacrer leur place dans le processus de signalement ;
- informer sur la désignation et le rôle de ces signaleurs de confiance ;
- mettre en place des mesures graduées contre les signalements abusifs, telles que plusieurs avertissements préalables à la suspension du traitement des notifications, et le déclassement de ces notifications.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande que :
- la prise de décision dans le cadre de la modération des contenus soit complétée, lorsque nécessaire, par l’intervention de modérateurs humains ;
- les modérateurs humains bénéficient d’une formation professionnelle ainsi que d’un accompagnement adapté à la nature et au contexte culturel et linguistique de leur mission. Elle recommande également de garantir à ces travailleurs des conditions de travail transparentes et satisfaisantes.
Recommandation n° 9 : la CNCDH recommande aux plateformes de mettre en place les moyens nécessaires afin de mieux détecter les moyens de viralité artificielle dès lors qu’ils visent à diffuser les contenus haineux et, le cas échant, de suspendre les comptes ayant recours à de tels mécanismes. Elle recommande également de réfléchir à l’équilibre à trouver entre la liberté d’expression et le ralentissement voire le blocage de la diffusion de certains contenus viraux par les plateformes.
Recommandation n° 10 : la CNCDH recommande que les plateformes aient l’obligation de :
- renseigner, dans leurs conditions générales d’utilisation, de façon aisément accessible et de manière claire et précise, les impacts d’un contenu haineux et les mécanismes clé de propagation de ces contenus ;
- expliciter les critères selon lesquels les moyens humains et automatisés interviennent dans le dispositif de modération ;
- fournir aux usagers les informations relatives à toute intervention sur la visibilité d’un contenu, tant dans le but d’augmenter que de restreindre sa viralité ;
- mettre en place des mesures graduées permettant de diminuer la visibilité de certains contenus, afin que le dispositif de modération ne repose pas uniquement sur le retrait ou le blocage des contenus haineux.
Recommandation n° 11 : la CNCDH recommande que les plateformes soient sanctionnées au titre des pratiques commerciales trompeuses dès lors que leur communication publique n’est pas en conformité avec leurs pratiques de modération.
Recommandation n° 12 : la CNCDH recommande de prévoir la possibilité, pour l’auteur du contenu signalé, de s’exprimer avant que ne soit prise une décision de modération, afin de permettre un débat contradictoire.
Recommandation n° 13 : la CNCDH recommande de :
- octroyer au CSA, et à la future ARCOM, les moyens matériels et humains de mener les audits des plateformes afin de contrôler le respect de leurs obligations prévues par le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme.
- permettre au CSA et aux chercheurs indépendants d’accéder aux systèmes algorithmiques des très grandes plateformes.
- prévoir que l’accès des chercheurs aux systèmes algorithmiques des très grandes plateformes soit consacré par le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande l’adoption d’un plan d’action national sur la formation à la citoyenneté numériques, afin d’assurer l’effectivité de l’éducation à la citoyenneté numérique dans le cadre scolaire en l’intégrant au sein d’un programme uniformisé à l’échelle nationale ; en garantissant une formation adéquate du personnel enseignant aux usages des nouvelles technologies, notamment par l’intervention d’acteurs associatifs ; en promouvant la sensibilisation de tous les publics, par un effort coordonné des pouvoirs publics, du milieu associatif et des plateformes ; en prenant en compte l’expérience utilisateur dans l’élaboration et le déploiement de ces ressources pédagogiques.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de :
- prévoir d’adapter la sécurité, les fonctionnalités et l’ergonomie du service aux fins de protection des utilisateurs mineurs ;
- prévoir d’accompagner les parents, par le biais de ressources adaptées et d’espaces de documentation dédiés au sein des plateformes, aux fins de promouvoir leur compréhension des activités en ligne de leurs enfants.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande de garantir une traduction en FALC (facile à lire et à comprendre) [4] des dispositifs de formation et de signalement des utilisateurs, et leur respect des standards d’accessibilité numérique.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de renforcer le soutien aux associations et leurs partenariats avec les plateformes pour augmenter leur visibilité et accompagner les utilisateurs victimes de propos haineux.
Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande de développer une application permettant d’orienter et de soutenir les victimes de contenus haineux ou choquants.
Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande d’assurer l’effectivité de l’information de l’utilisateur par la plateforme par le biais de l’ergonomie des interfaces.
Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande de :
- consacrer au profit de l’utilisateur un droit au paramétrage effectif des contenus reçus et émis sur les très grandes plateformes, selon des modalités aisément accessibles et transparentes ;
- promouvoir l’interopérabilité des plateformes.
Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande de développer des solutions techniques permettant d’attirer l’attention de l’utilisateur sur le caractère potentiellement haineux de son contenu avant publication ou relais, dans le respect de la liberté d’expression, ainsi que des contenus reçus dès lors qu’ils ont fait l’objet de signalements.
Recommandation n° 22 : La CNCDH recommande d’inciter les plateformes à mettre à disposition de l’utilisateur un support pédagogique simple détaillant les principaux contenus illicites et le processus de signalement, puis à distinguer lors du signalement entre l’illicéité du contenu et le droit au paramétrage.
Recommandation n° 23 : La CNCDH recommande de permettre à l’utilisateur de désactiver, supprimer et filtrer les commentaires sous ses publications et d’être alerté lors du signalement d’un contenu sur son espace, afin de le mettre en mesure de le modérer.
Recommandation n° 24 : La CNCDH recommande d’encourager les actions des pouvoirs publics à l’encontre de détenteurs de pages, de comptes ou de sites internet en leur qualité d’hébergeur ou de directeur de la publication dans certaines circonstances, lorsque ceux-ci bénéficient d’une audience conséquente et tirent manifestement profit des commentaires haineux suscités par leurs contenus.
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