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Le JOUE papier traduit dans toutes les langues de l’UE reste la source officielle du droit communautaire — Mais des évolutions ne sont pas loin

Dans l’affaire C-161/06 Skoma‑Lux sro c/ Celní ředitelství Olomouc, avait été posée à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) la question de savoir si une réglementation, en l’absence de sa publication au Journal officiel communautaire papier dans la langue d’un nouvel Etat Membre, pouvait s’imposer aux citoyens de ces Etats, dès lors qu’ils ont eu connaissance de cette réglementation par d’autres moyens — en particulier par la voie électronique.

La CJCE a répondu par la négative par un arrêt du 11 décembre 2007 : la force d’un texte ne s’acquiert que par sa publication au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) [1]. Ci-dessous l’extrait pertinent :

« 47 De même, tant la juridiction de renvoi que certains États membres ayant présenté des observations et la Commission soutiennent encore que les particuliers prennent désormais couramment connaissance des règles de droit communautaire dans leur version électronique, si bien que les conséquences du défaut de publication au Journal officielde l’Union européenne devraient être relativisées et qu’il n’y aurait plus lieu de considérer que celui-ci entraîne une indisponibilité desdites règles. La Commission ajoute que le règlement en cause au principal a été rendu public, en langue tchèque, sur le site Internet EUR-Lex dès le 23 novembre 2003, puis sous forme imprimée le 30 avril 2004 et affiché dans les locaux de l’OPOCE.

48 Toutefois, il y a lieu de relever que, si la législation communautaire est effectivement disponible sur Internet et que les particuliers en prennent de plus en plus souvent connaissance par ce moyen, une telle mise à disposition de cette législation ne saurait équivaloir à une publication en bonne et due forme au Journal officiel de l’Union européenne en l’absence, dans le droit communautaire, de toute réglementation à cet égard.

49 Au demeurant, il doit être souligné que si différents États membres ont adopté comme forme valable une publication électronique, celle-ci fait l’objet de textes législatifs ou réglementaires qui l’organisent avec précision et déterminent exactement les cas dans lesquels une telle publication est valable. Dans ces conditions, en l’état actuel du droit communautaire, la Cour n’est pas en mesure de considérer cette forme de mise à disposition de la législation communautaire comme suffisante pour assurer son opposabilité.

50 La seule version d’un règlement communautaire qui fait foi est, en l’état actuel du droit communautaire, celle qui est publiée au Journal officiel de l’Union européenne, de sorte qu’une version électronique antérieure à cette publication, même si elle se révèle par la suite conforme à la version publiée, ne peut être opposée aux particuliers. »

Selon Stéphane Cottin : « C’est assez logique et conforme à la position française : il a fallu une loi pour faire admettre, sous certaines conditions, que la publication électronique emportait mise en application ou entrée en vigueur de textes juridiques. Ici, il n’y en a pas (point 49), donc c’est toujours la publication papier qui vaut.
Ce qui est un peu inquiétant est dans le point 50 : la CJCE semble limiter son raisonnement aux "particuliers" : ferait-elle, comme en droit de la consommation, un distinguo entre professionnels de la profession et simples amateurs ? »

Une réponse assez logique, mais à nuancer par la position du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) dans l’affaire T-274/06 Estaser El Mareny, SL c/ Commission des Communautés européennes (ordonnance du TPICE 3e chambre du 25 octobre 2007), pour qui la publication sur Internet de l’intégralité d’une décision et de son résumé au JOCE suffisent à faire démarrer le délai d’appel [2]. Extraits pertinents :

« 31 Selon une jurisprudence bien établie, le fait pour la Commission de donner aux tiers un accès intégral au texte d’une décision placée sur son site Internet, combiné à la publication d’une communication au Journal officiel permettant aux intéressés d’identifier la décision en question et les avisant de cette possibilité d’accès par Internet, doit être considéré comme une publication au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE (ordonnances du Tribunal du 19 septembre 2005, Air Bourbon/Commission, T‑321/04, Rec. p. II‑3469, point 34, et du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T‑426/04, Rec. p. II‑4765, point 53).

[...]

37 En tout état de cause, force est de constater que la requérante a eu connaissance de la décision attaquée dès le jour de sa publication. En effet, il résulte de la jurisprudence que, même s’il ne suffit pas pour déclencher le délai de recours qu’une personne ait simplement connaissance de l’adoption de l’acte en cause, ledit délai commence à courir à compter du moment où le requérant a eu accès au texte intégral de l’acte, la lecture de celui-ci lui permettant d’avoir une connaissance exacte de son contenu et des motifs ayant amené son auteur à l’adopter (voir, en ce sens, arrêts Könecke/Commission, point 26 supra, point 7, et Dillinger Hüttenwerke/Commission, point 26 supra, point 14). Par conséquent, en l’espèce, dès lors qu’il ressort clairement des observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité, et notamment de son affirmation selon laquelle « la date de publication au [Journal officiel] ne peut être considérée comme le point de départ du délai prévu à l’article 230 CE [...] malgré la possibilité d’accès au texte intégral de la décision sur le site Internet de la [DG ‘Concurrence’] », qu’elle a eu connaissance du texte intégral de la décision attaquée dès sa publication, l’application du critère de la prise de connaissance n’aurait pas pour effet de reporter le point de départ du délai de recours. »

Voir aussi le commentaire du blog Journal du marché intérieur.

Notes

[1Merci à Cédric pour le signalement.

[2Décision signalée par Stéphane Cottin sur son blog Servicedoc.info.