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AltLaw : un véritable émule des LII se lance aux Etats-Unis — De la jurisprudence fédérale américaine gratuite, libre et avec moteur de recherche

Jean-Baptiste Soufron, juriste "geek" (son blog) et doctorant au CERSA [1] signale, sur la liste Juriconnexion, le lancement de la version beta d’AltLaw, un projet du professeur Tim Wu [2] directement dirigé contre les grands éditeurs éditeurs juridiques américains (et mondiaux) LexisNexis et Westlaw :
http://www.altlaw.org

Citation (traduction libre par nos soins) tirée du message du professeur Wu publié sur le plus célèbre "blawg" (blog juridique), Boing boing :

« Je voulais vous parler du lancement du premier [3] moteur de recherche juridique entièrement libre et appartenant au domaine public : altlaw.org. En ce moment, la recherche en droit est dominée par un duopole — Westlaw et Lexis — qui facture des centaines de dollars par heure [4] pour faire des recherches dans le droit de la nation. Altlaw.org est in projet pilote destiné à rendre la jurisprudence de la nation "cherchable" par quiconque. Les lois de la nation sont supposées appartenir au peuple, il est pourtant, et de manière surprenante, difficile d’y accéder. »

Pour l’instant, le site permet la recherche plein texte, mais seulement dans les décisions des cours d’appel fédérales et de la Cour Suprême : 173378 décisions chargées au 27 août 2007. Le LII de la faculté de Cornell avait déjà mis en ligne beaucoup de décisions fédérales, le véritable apport d’AltLaw réside ailleurs : c’est son moteur de recherche qui en fait un véritable rival une alternative intéressante — et gratuite — des bases de jurisprudence fédérales de Lexis et Westlaw US, à condition de bien prendre en compte, comme le rappelle Stéphane Cotin dans son commentaire, que la mise à jour de cette base nest pas assurée [5].

Les délais de réponse du moteur de recherche sont en effet impressionnants. Rien à voir avec ceux du moteur du LII de Cornell — un précédesseur éminemment respectable mais ici complétement dépassé en performance. Tapez donc dans le moteur d’AltLaw un quasi-mot vide comme "law", et regardez le temps de réponse [6]. AltLaw offre également un classement des résultats par pertinence. Ca vaudrait le coup de savoir si le code du moteur est en licence libre ... Cerise sur le gâteau, chaque décision est accompagnée de son fac-similé au format PDF.

L’initiative de Tim Wu est proche de celles des Legal Information Institutes [7] [8] et de Carl Malamud [9]. A propos de la pérennité problématique de telles initiatives individuelles, mise en cause par Stéphane dans son article précité, je reprendrais bien ma remarque à la fin de ma brève sur l’initiative de Carl Malamud [10].

Ajoutons également que dans le cas du projet AltLaw, c’est une équipe constituée d’universitaires de deux facultés de droit qui sont derrière, pas un seule personne (cas de C. Malamud). AltLaw est en effet un projet commun du Program on Law and Technology de la faculté de droit de Columbia et du Silicon Flatirons Program de la faculté de droit de l’Université du Colorado. AltLaw a été écrit/développé par Stuart Sierra et Paul Ohm, avec l’aide de Luis Villa, et produit par Tim Wu.

Notes

[1Sujet de thèse : La modélisation de l’évolution de la jurisprudence.

[2Tim Wu est professeur à la Columbia Law School, où il enseigne le droit d’auteur ("copyright") et des télécoms. Il a été l’assistant de Richard Posner à la Cour d’appel fédérale du 7e Circuit (1998-99) et de Stephen Breyer, juge à la Cour Suprême (1999-2000). Sa biographie sur Wikipedia. Lien vers ses publications sur le Legal SSRN. D’autres informations sur son site personnel.

[3Note de l’auteur : Tim Wu parle en fait là des Etats-Unis, oubliant ainsi de citer ses prédécesseurs ailleurs, les bases de données des Legal Information Institutes (LII). Oubli réparé — un peu sommairement — par ce billet "Credit", sur son blog.

[4Parfois un peu moins si on utilise des accès comme celui de LexisOne, où une partie des bases de jurisprudence est gratuite (pas toutes les cours, et les 5 dernières années seulement ...), et où pour le reste on paie à la consommation. Mais, même sur LexisOne et même en se restreignant, la centaine de dollars en une seule recherche n’est pas loin ...

[5Personnellement, je ne pense pas que les éditeurs commerciaux aient beaucoup à s’en faire sur de tels projets : quasiment aucun n’atteint le stade de véritable produit et leur mise à jour en continu (i.e. quotidienne ou hebdomadaire) est un vrai problème. Ca n’en supprime pas l’intérêt à mon avis, et c’est là que je diverge de Stéphane : les universitaires se réapproprient les outils que sont les documents primaires (décisions, textes officiels), les particuliers/consommateurs et associations accèdent à plus de données juridiques, les "geeks" développent et testent des outils. Des projets meurent ou s’endorment, d’autres se lancent et prennent leur place. L’essentiel à mes yeux, c’est la réappropriation du droit brut, réappropriation qui aide à celle du droit tout court. Je crois, de toute façon, que Stéphane, par son commentaire, visait à défendre le choix français de développer un portail financé et alimenté par l’Etat, tout autant qu’à féliciter les éditeurs pour leur travail de montage et de maintenance de ces bases lourdes et complexes.

[6Moins d’une seconde sur mon PC personnel avec une connexion ADSL 1 Mb. A mon travail, on tombe sous la demi-seconde, ça donne une impression d’instantané.

[8A cet égard, que Wu soit né au Canada, pays de CanLII, un deux plus puissants LII avec AustLII, n’est probablement pas innocent.

[10En une phrase : l’essentiel est que ce mouvement ne s’arrête pas là aux USA. Le LII de Cornell est en effet clairement arrêté dans sa progression depuis longtemps : le contenu de ses bases de jurisprudence ne progresse plus.