All The Government’s and the Courts’ Information — Le combat de Carl Malamud pour la mise en ligne gratuite des documents officiels et des décisions de justice aux Etats-Unis
Les décisions de justice et les textes officiels ne sont pas soumis au copyright [1]. Ah bon ? Aux Etats-Unis, ce n’est pas si évident que ça, du moins pour nombre d’éditeurs américains privés et — situation inédite en France — publics.
Le Trademark Blog de Martin Schwimmer signale [2] un article revigorant du New York Times : A Quest to Get More Court Rulings Online, and Free / John Markoff, NY Times 20 août 2007.
Extraits (traduction et gras par nos soins) :
« La domination de deux services de recherche juridique sur la publication des décisions des cours fédérales et des Etats est contestée par un "gêneur" internaute qui s’est lancé dans un ambitieux projet : rendre disponible en ligne, gratuitement, 10 millions de pages de jurisprudence.
Ce projet est le dernier effort en date de Carl Malamud, un activiste, fondateur de Public.Resource.Org en mars dernier, avec l’intention de construire des "ouvrages publics" accessibles vie le Réseau, et avec le plan spécifique de forcer le gouvernement fédéral à rendre l’information plus publiquement accessible.
La semaine dernière, M. Malamud a commencé à utiliser une technologie de scan avancée pour copier des décisions qui n’étaient disponibles jusque là que dans des bibliothèques juridiques ou par abonnement auprès de la branche Thomson West du groupe d’édition canadien Thomson, et de LexisNexis, une filiale de Reed Elsevier, basée à Londres.
"Je n’ai rien contre les gens qui font des milliards", dit M. Malamud, "mais je déteste les barrières à l’entrée [d’un marché]".
[...]
"Le marché des services commerciaux basé sur ces bases de données augmente en fait, une fois que les données de base ont été largement mises à disposition", a t’il écrit la semaine dernière dans une lettre au président de Thomson North American Legal [PDF]. Dans cette lettre, véritable argumentaire à la fois diplomatique et juridiquement très argumenté, il informe Thomson de ses actions et les justifie, laissant clairement entendre que West n’a aucun véritable droit d’auteur ("copyright") sur la jurisprudence qu’elle publie et lui demandant in fine — et là, Malamud est très sérieux, ce n’est pas de l’ironie de sa part [3] —, si elle ne pourrait pas publier gratuitement et mettre dans le domaine public le texte intégral des Federal Reporter, Federal Supplement et Federal Appendix.
Un article à compléter par la lecture :
- du billet de Tim O’Reilly, l’éditeur de livres informatiques : Carl Malamud Takes on WestLaw, O’Reilly radar 19 août 2007
- et d’autres billets de Cory Doctorow (en fait des e-mails de Carl Malamud) sur son célèbre (aux Etats-Unis ...) blog Boing boing :
- Dear CSPAN : you’re not Disney, Congress isn’t Mickey, 1er mars 2007 : la présidente de la Chambre des Représentants ("Speaker") Nancy Pelosi, poste sur son blog 1 mn de vidéo d’elle à la Chambre. C-SPAN, le riche éditeur public de ces enregistrements vidéo payants, la menace d’une action en justice. Mme Pelosi retire aussitôt la vidéo ... alors qu’elle aurait parfaitement pu exciper d’une utilisation typique du "fair use" — en fait, cette page du site de C-SPAN assez libérale sur la reproduction de ses vidéos date d’après cette affaire
- Ripping (off) the Congressional video record, 26 février 2007
- CSPAN embraces freely copyable video, 7 mars 2007
- des explications données par C. Malamud et de ses courriers adressés aux éditeurs américains privés (notamment la lettre du 14 août 2007 précitée à West) et publics : Report to the Congress : Congressional Hearings Online ou comment Malamud à réussi faire poster par le Congrès sur Internet (sur l’Internet Archive surtout) les enregistrements vidéo d’auditions importantes
- l’initiative AltLaw du professeur Tim Wu, elle aussi sur la jurisprudence fédérale — avec un formidable moteur de recherche interne à la clé.
Si vous lisez et comprenez bien l’anglais, je vous conseille de consulter ces documents :
- la vidéo d’une présentation de son action par Malamud (51 mn, Google Tech Talks 24 mai 2006)
- le compte-rendu des coûteux efforts d’Alan Sugarman, un avocat new-yorkais, et de sa société Hyperlaw, pour reproduire des masses de décisions de justice, contre l’avis du grand éditeur West, et le procès qui s’ensuivit, gagné par HyperLaw (une autre société, Oasis, perdit, elle, son procès contre West).
Stéphane Cottin doute de la prennité de tels projets individuels [4]. Il est évident, comme il l’écrit, que « les maisons d’édition généralement citées inspirent plus confiance dans leur pérennité, au moins sur le moyen terme ». De même, les Canadiens de Slaw estiment faibles les chances de succès d’individus isolés comme Malamud.
Certes ! Mais l’essentiel à mon avis n’est pas là : l’essentiel est que ce mouvement ne s’arrête pas là aux USA. Le LII de Cornell est en effet clairement arrêté dans sa progression depuis longtemps : le contenu de ses bases de jurisprudence ne progresse plus.
Notes
[1] Le copyright, c’est le droit d’auteur version anglo-saxonne.
[2] Merci à Cédric.
[3] Il demande à Thomson/West, en fait, ce qu’il a déjà obtenu de la SEC avec sa base Edgar, et de C-SPAN.
[4] Mise en ligne massive de documents publics : à propos de l’expérience de public.ressource.org / Stéphane Cottin, 24 août 2007.